Comment augmenter ses chances de financer un projet de reprise d’entreprise ?

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Alors qu’il est coutume de se focaliser sur la valorisation dès lors que l’on souhaite céder son entreprise ou se porter acquéreur, les capacités financières en fonds propres des repreneurs potentiels peuvent avoir un impact prépondérant dans le processus. En effet, si un apport bancaire s’avère nécessaire, l’organisme ne prêtera l’argent indispensable que sous des conditions bien précises à même de mitiger les risques. Ainsi, il est communément admis que des apports personnels d’au moins 30% du montant total vont être exigés pour obtenir le reste du financement sous la forme d’un emprunt bancaire. On comprend aisément qu’il va parfois être difficile de réunir les fonds propres attendus. Une possibilité existe toutefois pour compléter, sous certaines conditions, les fonds propres d’une personne se portant acquéreur : le crédit vendeur

Cette méthode de financement complémentaire consiste pour une personne souhaitant vendre son entreprise à devenir prêteur d’une partie du montant de la transaction en accordant un crédit à l’acheteur. Ceci permet ainsi à l’acquéreur de différer le paiement d’une partie du prix d’achat et d’avoir la part de fonds propres suffisante pour obtenir un crédit auprès d’une banque. En effet, un organisme bancaire exige souvent que l’acquéreur apporte 30% de fonds propres. Ce pourcentage peut varier à la hausse, rarement à la baisse, en fonction de certaines conditions comme le domaine d’activité, les bilans de l’entreprise à remettre, la situation du marché, mais aussi d’un éventuel cautionnement d’un organisme comme la FAE.

 

Un attrait accru circonstanciel

« On observe depuis récemment une augmentation du recours au crédit vendeur pour plusieurs raisons » explique Anthony Montes, Président de l’Association Relève PME spécialisée dans la transmission d’entreprise. « Du fait, tout d’abord, du nombre de baby-boomers qui arrivent à l’âge de la retraite et souhaitent remettre leur entreprise ».
On estime en effet que 15% des PME suisses cherchent un repreneur.

 

« Ensuite, cette solution alternative a aussi les faveurs des cédants, car elle permet de maintenir une valorisation de l’entreprise correspondant plus à son plein potentiel, alors que les chiffres d’affaires ont pu chuter pendant la pandémie » détaille le spécialiste en transmission d’entreprise. Enfin, il arrive parfois qu’une banque estime une société survalorisée et se positionne en-dessous de ce qui est demandé. Et Anthony Montes d’expliquer : « Un crédit vendeur pourrait dans ce cas permettre au cédant d’obtenir un montant supérieur sans mettre en péril l’opération bancaire tout en acceptant un risque supérieur. Le cédant, certain du potentiel supérieur de son entreprise, pourrait ainsi la valoriser à la hausse en acceptant le risque d’être payé plus tard et en fonction de futurs résultats ».

 

Un tel engagement du vendeur pourra être perçu comme un signal fort de sa confiance dans la pérennité de l’entreprise transmise, tant pour l’acquéreur que pour les organismes bancaires.

 

Un crédit adapté à toutes les situations ?

« Si on estime que 40% des entreprises sont transmises dans le cercle familial, 40% à des concurrents ou à l’extérieur et 20% en management buy out (soit à des employés de l’entreprise), on comprend aisément qu’un crédit vendeur n’est pas forcément adapté à toutes les cessions d’entreprises » précise Anthony Montes. La confiance entre le cédant et le ou les repreneurs est capitale. C’est pourquoi le crédit vendeur est généralement sollicité lors d’une transmission à une connaissance, à des employés ou encore à la famille. Dans ce dernier cas, un crédit vendeur permettra selon la situation d’enlever les injustices envers le reste de la fratrie.

 

Le crédit vendeur permet parfois de faire perdurer de belles histoires, malgré des moyens limités. Ainsi, Mélanie Valceschini, qui dirige actuellement la boutique Prise en Flagrant Délire, y était auparavant employée depuis plusieurs années. « J’avais tissé des liens forts avec l’ancienne propriétaire et lorsque celle-ci a souhaité arrêter son activité, je me suis portée acquéreuse du fonds de commerce » explique l’actuelle dirigeante.

 

En discutant de la difficulté à réunir les fonds propres suffisants, l’ancienne propriétaire a accepté, qu’un tiers de la somme soit payé après le remboursement du crédit bancaire. Elle ajoute : « Responsabilisée par la confiance qui m’était octroyée, j’ai également perçu ce crédit vendeur comme un élément rassurant en avançant vers la concrétisation du projet de reprise ». Dans ce cas précis, le crédit vendeur lui a permis de bénéficier d’un soutien de la part de la FAE et la cession a ainsi pu se réaliser à la satisfaction générale en étendant la durée globale du remboursement.

 

Créer les conditions de la confiance

L’expérience qu’a vécue Daniel Ribbi, actuel dirigeant de la société Solveo, active dans les solutions en assurance et gestion des risques, également soutenue par la FAE est toute aussi positive. Il explique : « Dans un contexte où j’avais dû beaucoup investir dans ma propre société, on m’a proposé la reprise d’une société concurrente plus importante que la mienne. Son dirigeant voyait l’âge de la retraite approcher et souhaitait se désengager progressivement ».

 

Même si les deux entrepreneurs avaient déjà travaillé ensemble plus de vingt ans auparavant, il leur paraissait primordial de pouvoir s’assurer que les stratégies des deux entités pouvaient converger. C’est ainsi qu’ils ont collaboré durant trois ans en intégrant leurs équipes respectives dans les mêmes bureaux pour apprendre à se connaître et confirmer des hypothèses de chiffre d’affaires. « Ces années ont permis de développer une confiance réciproque et de discuter sereinement et en toute connaissance de cause du montant de la reprise. » estime le dirigeant.

 

Comme les fonds propres de Daniel Ribbi étaient trop limités pour reprendre une entreprise de cette envergure, les deux entrepreneurs ont convenu de les compléter par un crédit vendeur. En effet, dans ces conditions, le crédit vendeur donnait également la possibilité au cédant de lever le pied sans pour autant cesser brusquement toute activité. Il reste aujourd’hui encore impliqué dans la transmission de son expérience et dans le processus de transition auprès de sa clientèle. Un rôle que peut garder un cédant qui revêt souvent de l’importance dans le choix du crédit vendeur comme nous l’a aussi rapporté le Président de l’Association Relève PME, Anthony Montes. Monsieur Ribbi se félicite de ce choix : « Ce crédit vendeur fut gagnant-gagnant. Il a été bénéfique pour tous, y compris l’ensemble de nos collaborateurs ».

 

Le crédit vendeur et ses limites

Si le crédit vendeur peut permettre à l’acheteur de mieux gérer sa trésorerie, il faut toutefois avoir conscience du risque additionnel d’un prêt qui amènerait à un dépassement des capacités de financement, comme le rappelle Me Hubert Orso Gilliéron, avocat spécialisé dans le Droit des sociétés. Il précise : « C’est une somme qui ne sera pas disponible pour d’autres options comme développer son entreprise ou investir dans l’outil de travail ».

 

S’il reste un très bon instrument lorsque l’on manque de fonds propres, le crédit vendeur comporte également des risques pour le vendeur, notamment en cas de défaut de paiement de l’acheteur. Une éventualité qu’il s’agira d’anticiper.

 

Dans des situations moins usuelles, lorsqu’on essaie de réconcilier deux visions du prix d’une entreprise, il peut être préférable de se diriger vers d’autres méthodes. « Le repreneur ne connaît généralement pas autant l’entreprise que le cédant et peut être confronté à un éventuel gonflement des résultats pour augmenter le prix de vente » prévient encore l’avocat. Et d’ajouter : « Même si l’on a la possibilité d’acquérir une réelle poule aux œufs d’or, rien n’empêche de procéder à un versement par tranches – ou earn out – prenant en compte la vérification des résultats au fil du temps ». Tout en sécurisant l’acheteur, cette garantie supplémentaire permettra peut-être d’accepter une révision du prix à la hausse pour un résultat win-win.

 

L’homme de loi conclut : « Pour le cédant, le crédit vendeur reste la partie la plus risquée du prêt, car elle sera remboursée en dernier. Pour l’acheteur, il est crucial d’avoir un très bon plan de financement pour pouvoir encaisser des mauvaises surprises. Cela reste de la dette ».

 

Acheteur ou vendeur ? Dans les deux cas, n’hésitez pas à vous faire conseiller bien en amont. Des organismes de soutien au financement, tels que la FAE, sont également à votre écoute. Des séances d’informations sont régulièrement dispensées sur le canton, n’hésitez pas à suivre la FAE sur Linkedin et Facebook pour vous tenir informé.