Comment bien choisir sa fiduciaire ?

Businessman working with graph data at office

Entretien avec André Tinguely, Président de l’Ordre genevois EXPERTsuisse, sur l’importance de la bonne tenue d’une comptabilité pour la pérennité d’une entreprise.

Chaque entreprise a l’obligation légale de tenir une comptabilité et tout un chacun peut exercer comme comptable. André Tinguely précise d’emblée : « la difficulté de ce domaine d’activité est que la révision est réglementée, alors que la comptabilité ne l’est pas. ». En Suisse, deux associations faîtières, EXPERTsuisse (8000 experts comptables) et FIDUCIAIRE|SUISSE (2100 experts-comptables), s’assurent de la qualité des prestations fournies et délivrent des formations obligatoires à leurs membres pour pouvoir conserver le titre de réviseur. Les associations faîtières collaborent de manière étroite avec l’Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR) qui garantit que les prestations légales assorties à la révision ou à l’audit sont fournies exclusivement par des professionnels disposant des qualifications et de l’organisation requises.

Des services fiduciaires étendus

Les membres des associations faîtières proposent aux PME et aux indépendants des services fiduciaires étendus allant essentiellement du conseil à la création d’entreprise, au soutien dans la recherche de financement, au coaching financier individuel, à la tenue de la comptabilité et à l’établissement des comptes annuels, au conseil sur les questions liées au personnel et assurances sociales, au conseil en matière fiscale et juridique ainsi qu’en matière de révision et d’organisation. André Tinguely de préciser « la comptabilité peut sembler rébarbative, mais ce que l’on observe, c’est que les clients ont besoin de conseils. Avec le nouveau taux d’imposition des entreprises à 14%, il y’a moins de nouveaux indépendants au profit de la création de Sàrl, structure juridique plus intéressante sous l’angle fiscal. ». De nombreux clients choisissent de transformer leur statut juridique et optent désormais pour une Sàrl ou une SA. Pour ce spécialiste, ce métier fait la part belle à l’humain : « les fiduciaires aiment se déplacer chez le client pour s’imprégner de l’atmosphère et bien comprendre ses besoins ».

Comment structurer sa comptabilité ?

Externaliser sa comptabilité ou engager ? André Tinguely observe que l’entreprise en création externalise souvent la tenue de sa comptabilité pour ne pas engager un comptable. Avec l’augmentation du nombre d’écritures, l’entreprise en croissance reprend souvent cette fonction à l’interne pour diminuer les coûts. Il recommande de toujours demander une offre, même sur une tenue de comptabilité classique, pour éviter un décalage entre les attentes de l’entrepreneur et ce que la fiduciaire lui fournit. Choisir d’emblée une fiduciaire agréée ayant les capacités de s’occuper ultérieurement de la révision des comptes n’est pas à négliger suivant son activité.

Il existe des logiciels permettant d’automatiser de plus en plus la tenue d’une comptabilité. Certaines banques fournissent par exemple des solutions en fonction de l’activité exercée par l’entreprise. Un expert-comptable demeure cependant nécessaire pour le bouclement des comptes, l’établissement du bilan financier et la gestion des transitoires. Pour sa part, André Tinguely constate une accélération de la digitalisation des sociétés fiduciaires du fait de la pandémie. Plusieurs sociétés tiennent déjà des grands livres comptables numériques alimentés par les informations contenues dans leurs logiciels internes ou dans la GED (gestion électronique des documents). Enfin, des sociétés fiduciaires proposent désormais un service entièrement en ligne avec charge à la société de fournir les documents via une plateforme numérique.

Un conseil pour 2021

Le Président de l’Ordre genevois EXPERTsuisse conseille à toutes les sociétés qui existent depuis quelques années de contrôler leurs actions et de vérifier si elles ne possèdent pas encore des actions au porteur. En effet, après le 30 avril 2021, il sera nécessaire d’avoir transformé l’ensemble des actions au porteur en actions nominatives pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation en vigueur et ce au risque de perdre son influence sur la société ou ses dividendes.


AVIS DE LA FAE

Dans le cadre de notre activité, nous côtoyons de nombreuses PME et consultons un nombre important de comptabilités d’entreprises de toute forme, de toute taille et de tout secteur d’activité.

Nous avons donc une position privilégiée pour dresser un état de situation et énoncer un certain nombre de recommandations :

  • Ne pas sous-estimer l’importance de la comptabilité.

La comptabilité n’est pas uniquement une tâche administrative obligatoire mais également un prérequis pour « piloter » son entreprise et être ainsi à même de prendre les décisions qui s’imposent. Dès lors, il est primordial de disposer d’une comptabilité à jour et réaliser les bouclements annuels dans des délais raisonnables (pour rappel, légalement ce délai échoit au 30 juin).

  • Importance d’une collaboration avec un comptable (ou fiduciaire) qualifié.

La vie d’un entrepreneur peut être comparée à une course d’obstacles. Pour éviter de conduire son entreprise à l’aveugle, il s’agit donc de disposer de situations comptables précises et correctes permettant d’éviter autant que possible les correctifs et rattrapages ultérieurs qui fausseront le bien-fondé des décisions managériales. Le tarif ne doit jamais être le seul critère. Le bouche à oreille est important à prendre en compte lors de la sélection. Il est préférable de se rapprocher d’une société fiduciaire qui établira une bonne relation humaine et qui possède des compétences professionnelles correspondant à la situation et au besoin de son entreprise.

  • Comptabilité pure et/ou aspects juridiques, aspects fiscaux ? Déterminer ses besoins.

En fonction du statut de votre entreprise, de votre stratégie et de ses objectifs, il faudra distinguer ces deux types de structure. Un comptable seul pourra certainement réaliser une comptabilité simple mais le recours à une fiduciaire établie sera souvent nécessaire lorsque la situation se complexifie. Les exigences réglementaires accrues et les directives fiscales plus complexes représentent un risque de conformité et de coût. En utilisant les possibilités offertes par la législation, une bonne planification fiscale est recommandée afin d’éviter toute mauvaise surprise ou coût non anticipé, qui peuvent constituer un risque non négligeable. Une société fiduciaire saura apporter des conseils complémentaires notamment pour les aspects juridiques et fiscaux et soutenir dans les démarches envers les différentes administrations.

  • Changement de structure.

A la FAE, nous voyons parfois des entrepreneurs déçus par leur fiduciaire, du fait de délais trop longs, de manques d’échanges ou encore d’erreurs survenues sur les comptes et bilans.

En cas d’insatisfaction, il ne faut pas hésiter à s’adresser à un autre professionnel. Seule la responsabilité du dirigeant ou de l’entreprise sera engagée si des erreurs sont constatées au bilan. A court terme cela n’est pas forcément pénalisant et peut être corrigé à l’exercice suivant, mais en cas de besoin de financement, de vente ou encore de crise économique (comme nous avons pu le constater avec le Covid-19), une mauvaise tenue de la comptabilité peut avoir des effets très négatifs sur la pérennité de l’entreprise.