Traitement des poursuites « injustifiées »

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Comment réagir lorsque votre société fait l’objet d’une poursuite que vous considérez comme « injustifiée » ? De nombreux cas de figure existent et certaines actions valent mieux que d’autres pour que la poursuite ne soit pas divulguée à des tiers. Voici quelques bonnes pratiques, non exhaustives, de l’Office cantonal des poursuites.

 

Vous êtes certain d’avoir réglé une facture et n’avez pas réagi à un rappel ? Une entreprise vous assigne aux poursuites ? Il peut arriver, dans la vie d’une entreprise, d’être poursuivi à tort pour une créance qui a déjà été soldée ou des suites d’un contrat que votre client estime non rempli. Quel est le rôle de l’Office cantonal des poursuites (OCP) et quels sont les bons réflexes à avoir ?

 

Avant tout, il est bon de rappeler que l’OCP est un organisme public qui joue uniquement un rôle d’intermédiaire entre le créancier et le débiteur en essayant de concilier au mieux les intérêts des deux parties. Un créancier s’adresse à l’OCP pour faire payer un débiteur qui ne se serait pas acquitté de sa dette. Il va notamment enregistrer les réquisitions de poursuite des créanciers et établir les commandements de payer et les comminations de faillite (sommation de payer la créance), procéder à leur notification, prendre note des éventuelles oppositions, et pour les débiteurs qui ne sont pas soumis à la faillite, procéder à la saisie d’actifs pour rembourser le créancier. Il tient à jour le registre des poursuites et en délivre des extraits en s’assurant que les conditions pour communiquer ou non une poursuite sont remplies. Il ne se prononce pas sur la véracité de la créance invoquée dans une poursuite.

 

En pratique, à la réception d’une poursuite jugée injustifiée, il faut former « opposition totale » verbalement à la personne qui vous remet le commandement de payer ou par écrit à l’OCP dans un délai de 10 jours à compter de la notification du commandement de payer. Vous devez attendre un délai de trois mois avant de pouvoir demander à l’OCP de ne plus mentionner la poursuite dans un extrait.  Le législateur considère en effet que la poursuite est a priori injustifiée si le créancier n’a pas agi dans ce délai pour obtenir la levée de l’opposition. Une fois ces trois mois écoulés, vous pouvez adresser votre demande de « non-divulgation » de la poursuite (action possible en ligne à l’adresse https://www.ge.ch/poursuites/demander-non-divulgation-poursuite). Même masquée, une poursuite pourrait toutefois réapparaître sur l’extrait de poursuite si le créancier obtient par la suite la levée de l’opposition et continue la procédure de poursuite.

 

Si masquer une poursuite permet d’obtenir un extrait vierge, cela a toutefois pour corollaire d’obliger l’OCP à interpeller le créancier qui prendra connaissance de votre volonté d’obtenir la non-divulgation de sa poursuite. Ce dernier aura vingt jours pour apporter la preuve qu’il a demandé la « mainlevée de l’opposition », intenté une action en justice ou que la poursuite a été entièrement payée. Si le créancier n’a pas entrepris de telles démarches ou s’il ne répond pas dans ce laps de temps, la demande de non-divulgation est approuvée et la poursuite est masquée. Elle n’est plus portée à la connaissance de tiers lors d’éventuelles demandes d’extraits. Notons ici que le créancier a un délai d’une année pour demander la levée de l’opposition et continuer la procédure. Il peut donc parfois ne pas s’avérer judicieux de rappeler à son bon souvenir une créance en « suspens ».

 

Dans le cas où vous n’obtiendriez pas la non-divulgation de la poursuite, vous pouvez agir devant un tribunal tant que cette dernière est pendante et avant la distribution des deniers (soit la remise par l’OCP d’un acte de défaut de biens pour le montant impayé), pour faire constater que la dette n’existe pas/plus ou qu’un sursis a été accordé. Dans ce cas, la poursuite nulle n’est plus communiquée aux tiers.

 

S’il s’avère que vous avez procédé au paiement de la poursuite, alors même qu’elle n’était pas fondée, vous avez la possibilité d’introduire devant un tribunal une action dite en répétition de l’indu, soit la demande de remboursement d’une somme que vous ne deviez pas payer. Vous pensiez probablement bien faire et vouloir vite résoudre cette situation délicate, mais une poursuite payée reste inscrire sur l’extrait du registre des poursuites. Arrivé à ce stade, vous devrez obligatoirement passer devant un juge pour faire radier l’inscription indésirable et faire constater que certes vous avez payé, mais que vous n’auriez pas dû. Mieux vaut donc ne pas se précipiter pour payer une poursuite injustifiée. Attention encore, le fait d’avoir payé la poursuite est malheureusement incompatible avec la possibilité de demander sa non-divulgation évoquée plus haut.

 

Pour les poursuites abusives, il est également possible de déposer une plainte pour « abus de droit » auprès de l’Autorité de surveillance des offices des poursuites et des faillites dans les dix jours qui suivent la notification du commandement de payer. Par exemple, dans le cas où une entreprise chercherait délibérément à vous nuire et non pas à récupérer de l’argent. Les chances de succès sont faibles, car il faudrait établir que le prétendu créancier dépasse les bornes de l’usage raisonnable du droit, mais si la plainte aboutit, la poursuite sera considérée comme nulle et ne figurera plus dans l’extrait des poursuites.

 

Enfin, vous avez toujours la possibilité de vous arranger avec le créancier pour qu’il vous remette une déclaration de retrait de la poursuite (contrordre) qu’il s’agira de communiquer à l’OCP. Le créancier n’a cependant pas l’obligation de le faire. Certains créanciers exigent même le paiement « de frais » additionnels pour établir une telle déclaration.

 

En conclusion, pour s’éviter des tracasseries administratives pénibles, mieux vaut être proactif lorsqu’on reçoit des rappels, même si l’on sait pertinemment avoir soldé une facture. Si la poursuite ne peut pas être évitée, il ne faut surtout pas oublier de former une opposition totale dans le délai très court de 10 jours dès la notification du commandement de payer. Enfin, lorsqu’un arrangement a été trouvé avec le créancier, il est préférable de lui demander qu’il vous remette directement le contrordre afin de le porter soi-même à l’office des poursuites pour être certain d’obtenir la radiation de la poursuite et s’assurer un extrait de poursuite vierge.

 

Vous pouvez à tout moment obtenir un extrait de l’Office des poursuites pour vous-même, pour une entreprise dont vous êtes le gérant ou l’administrateur ou bien pour un tiers, personne physique ou morale, à condition de justifier votre intérêt à accéder à cette information (vouloir mandater une entreprise par exemple) via le lien https://www.ge.ch/poursuites/demander-extrait-du-registre-poursuites