[FISCALITÉ] – Quels sont les impacts de la récente réforme fiscale pour les holding dans le cas des transmissions d’entreprises?

Wooden Gavel on map of Switzerland, 3D rendering isolated on white background

  Marc de Araujo, sous-directeur, ECHO SA, titulaire du brevet d’avocat, LL.M Tax

  Gabriella Lavore, fiscaliste, ECHO SA, master en droit

 

Les atouts d’utiliser une holding d’acquisition restent largement d’actualité pour les opérations de transmission d’entreprises ayant lieu après l’entrée en vigueur de la réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA), malgré l’abolition des régimes fiscaux privilégiés. De nombreuses entreprises réévaluent s’il convient d’adapter l’efficience de leurs structures holding et des flux financiers avec leurs filiales compte tenu des nouvelles règles en vigueur depuis 2020.

 

Quels motifs ont poussé jusqu'ici les entrepreneurs à utiliser une holding d’acquisition ?
Lorsqu’un individu souhaite acheter une société, il peut le faire directement en son nom ou par le biais d’une société de capitaux constituée spécialement à cet effet (holding d’acquisition). Dans cette seconde hypothèse, l’individu en question est actionnaire de la holding qui procède à l’achat des parts de la société cible. Si l’acquisition de la société cible nécessite un financement de la part d’un tiers (banque) ou d’un actionnaire, c’est la holding qui joue en principe le rôle d’emprunteur et non l’individu qui la détient.

Grâce à certains avantages fiscaux discutés plus bas, la société holding peut recevoir en franchise d’impôts des dividendes de la société cible et éviter ainsi l’imposition immédiate qui surviendrait autrement chez un individu actionnaire direct de la société cible.

Contrairement à un actionnaire personne physique qui verrait son argent disponible réduit par le paiement de l’impôt, la holding bénéficie de l’intégralité du profit de la cible, p. ex. pour rembourser son emprunt d’acquisition, octroyer des prêts à des sociétés du groupe, ou réinvestir dans l’acquisition d’autres sociétés ou dans d’autres types de placements.

Enfin, la holding laisse la plupart du temps la possibilité à son actionnaire ultime de se départir de son investissement en réalisant un gain en capital fiscalement exonéré via la vente des actions de la holding.

 

Qu’est-ce que la RFFA change pour les sociétés holding ?

Avant l’entrée en vigueur de la loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (« RFFA ») et des réformes législatives correspondantes en droit genevois le 1er janvier 2020, un statut fiscal spécial était accordé par les cantons aux entités holding n’exerçant aucune activité commerciale en Suisse. Aux niveaux cantonal et communal, ces sociétés holding étaient exonérées de tout impôt sur le bénéfice. L’impôt fédéral direct pouvait s’approcher de zéro sur les dividendes provenant de filiales et les gains en capital issus de la vente de ces dernières, par le biais de la « réduction pour participation ». Les sociétés holding sises à Genève bénéficiaient en outre d’un taux préférentiel en matière d’impôt sur le capital (0.0668% en Ville de Genève).

Les anciennes règles permettaient aux sociétés sous statut holding d’exercer de façon limitée, à côté de leur activité typiques de détention de participations, des activités accessoires telles que la gestion et coordination de filiales, de financement ou de détention de propriété intellectuelle en faveur de sociétés du groupe. Ces prestations accessoires facturées à des filiales réduisaient d’un côté les profits de ces dernières plus « lourdement » taxés (p. ex. 24% à Genève jusqu’en 2019), tandis qu’elles augmentaient de l’autre côté les profits de la holding imposés au taux effectif de seulement 7.83% grâce à l’exonération d’impôt cantonal sur le bénéfice. Il en résultait une diminution de la facture d’impôts totale au sein du groupe.

La RFFA abolit le régime holding avec ses différents privilèges, à savoir la non-imposition des bénéfices aux niveaux cantonal et communal et le taux réduit pour l’impôt sur le capital. A compter de 2020, toutes les sociétés dans le canton de Genève paient l’impôt sur le bénéfice au même taux effectif de 14%.

Cette abolition n’affecte guère la charge fiscale des sociétés holding « pures », dont les bénéfices proviennent de dividendes et de gains en capital qu’elles retirent de leurs filiales. En effet, aussi bien pour l’impôt cantonal et communal que pour l’impôt fédéral direct, la réforme laisse intact le mécanisme de la « réduction pour participation » applicable à toute société possédant une participation qualifiée dans une autre société, à savoir au moins 10% dans le capital d’une autre société ou encore (pour les dividendes) une participation inférieure à ce pourcentage mais d’une valeur vénale d’au moins CHF 1 million.

La question se pose différemment pour les sociétés holding qui ont des revenus accessoires autres que des dividendes, tels que des intérêts, des revenus de licences, etc. En 2020 ces revenus sont désormais taxés non plus au taux privilégié de 7.83% mais au nouveau taux ordinaire à Genève de 14% (contre 24% avant la réforme). D’un autre côté, plus aucun statut fiscal ne restreint les holding quant au volume ou la nature de leurs activités commerciales. De ce point de vue, la RFFA ouvre de nouvelles perspectives et pose la question de limiter ou au contraire étendre les activités « accessoires » de certaines holding.

La réforme amène de nombreuses entreprises à réexaminer dans quelle mesure leur structure holding et les flux financiers avec leurs filiales sont toujours organisés de la manière la plus efficiente fiscalement compte tenu des nouvelles règles fiscales.

Qu’en est-il de l’impôt sur le capital ?

A partir de 2020, les sociétés holding ne bénéficient plus de taux préférentiels pour l’impôt sur le capital (ancien taux 2019 en Ville de Genève : 0. 668%). Les holding sont désormais soumises au taux ordinaire d’impôt sur le capital, identique pour toutes les sociétés, soit 0.4% en Ville de Genève.

Fort heureusement, la RFFA genevoise introduit en parallèle un taux d’impôt réduit d'environ 0.001% applicable à la part du capital lié aux participations et aux prêts intra-groupes (sauf créances commerciales). Ce taux réduit vise à maintenir les allègements de l’impôt sur le capital qu’avaient les sociétés holding avant la réforme.

En outre, à l’instar de ce qui existe déjà dans le canton de Vaud, la RFFA genevoise instaure progressivement une imputation totale de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital. L’imputation est tout d’abord limitée à un plafond de CHF 8'500 l’année 2020, puis ce plafond passe en 2021 à 25% de l’impôt sur le bénéfice, à 50% en 2022, à 75% en 2023, jusqu’à devenir totale (100%) dès 2024. En pratique, l’imputation aura pour effet d’alléger la charge fiscale globale des entreprises faisant des bénéfices.

 

Genève est-elle encore une place attractive pour les sociétés holding ?

Les différents atouts fiscaux de la holding d’acquisition pour un entrepreneur, tels que nous les avons décrits plus haut, restent largement d’actualité pour les opérations de transmission d’entreprise ayant lieu après l’entrée en vigueur de la RFFA.

De manière générale, le nouveau taux d’impôt sur le bénéfice de 14% place Genève dans une position attrayante à l’international. Autre changement de paradigme, Genève devient beaucoup plus compétitive par rapport aux cantons alémaniques qui ont très longtemps offert des taux d’impôt sur les sociétés notablement inférieurs à ceux de Suisse romande et de Genève en particulier. Le taux genevois de 14% se rapproche ainsi de celui de Zoug (12%) et distancie nettement le taux de 18% en vigueur à Zurich.

La réforme intègre les outils nécessaires pour alléger en tout ou partie l’impôt sur le capital supporté par les sociétés holding. Genève s'aligne sur la pratique de l’imputation instituée dans d'autres cantons (Berne, Neuchâtel et Vaud notamment) et assure ainsi la compétitivité internationale de ses holding par rapport aux nombreux pays qui ne connaissent pas l’impôt sur le capital.

Nous l’avons vu, un grand nombre de sociétés holding seront faiblement affectées par le changement de législation. Le mécanisme de la réduction pour participations, inchangé après la réforme, permet toujours aux holding d’exonérer les dividendes et gains en capital qu’elles reçoivent de leurs participations qualifiées.

En revanche, la réforme est susceptible de toucher davantage les modèles d’affaires dans lesquels la société holding perçoit d’importants revenus de financement, ou exerce d’autres activités accessoires générant des rendements autres que des dividendes ou gains de participations. Dans le contexte de la RFFA, on remarque une tendance chez les entreprises à réévaluer leurs structures holding et les flux financiers avec leurs filiales, afin d’aborder de manière toujours fiscalement efficiente la nouvelle ère post-RFFA qui vient de commencer.

 

Consulter les articles du BLOG